Écologiste atypique, Willy Cretegny est candidat au Conseil des États
Élections fédérales. Le viticulteur genevois, qui avait fait une bonne campagne lors des élections cantonales, reprend les thèmes qui lui ont porté chance.
Le cercle des candidats au Conseil des États s’agrandit. Nanti d’un score étonnant lors de la dernière course au gouvernement cantonal (ndlr: il avait terminé, au second tour, à 3000 voix du candidat UDC), le viticulteur Willy Cretegny remet ça. Il annonce à la «Tribune de Genève» être candidat aux élections nationales de l’automne prochain. Il pourrait profiter de la poussée écologique qui traverse le pays.
Willy Cretegny, pourquoi être candidat au Conseil des États?
J’ai toujours été engagé sur des dossiers liés à Berne, notamment sur le commerce ou l’agriculture. Je suis président des vignerons-encaveurs suisses, président des marchés genevois, délégué de Genève à Bio Suisse. J’ai fait ma carrière dans l’agriculture biologique et je veux continuer à parler de thèmes importants, comme l’environnement, le développement et les transports.
La prospérité maîtrisée, c’était votre slogan de campagne en 2018. Vous avez vraiment l’impression que beaucoup de partis sont pour une prospérité non maîtrisée?
La plupart des partis sont favorables à une économie qui profite avant tout à elle- même. Je pense au contraire qu’elle doit être au service de la population, mieux gérer les ressources et s’opposer à la surconsommation.
Les Suisses ont massivement refusé, en février, l’initiative contre le mitage du territoire. Vous pensez que c’était une erreur?
J’ai été surpris ! Il y a probablement plusieurs raisons à ce résultat, par exemple la peur de la surdensification en ville. Mais ce refus intervient alors qu’on occupe de plus en plus de terrains agricoles pour loger la population qu’on attire et construire des infrastructures. Mais on est toujours en retard et on vit dans les bouchons. Économiquement, je ne suis pas sûr qu’on soit tellement gagnant avec ce système. Il faut ralentir.
Où loger les gens demain si on serre la vis?
Il faut d’abord arrêter la promotion économique et changer notre modèle basé sur l’hypercompétitivité fiscale.
Vous êtes contre l’harmonisation de la fiscalité des entreprises?
Bien sûr. Les entreprises peuvent accepter un autre deal. Elles paient des impôts, mais en échange, elles reçoivent des services de qualité, des transports rapides, des employés formés. Ce sont des garanties de gains pour les entreprises.
En matière alimentaire, vous dénoncez les distorsions de concurrence avec l’UE et réclamez des droits de douane. Vous souhaitez dénoncer les accords avec l’UE et l’OMC?
Non, mais il faut les renégocier, comme l’accord institutionnel avec l’Union, car le libre-échange pur sacrifie de plus en plus l’économie locale. On importe et puis on jette. À quoi bon ? On laisse disparaître trop de métiers intéressants et valorisants. On ne fabrique plus une fenêtre en Suisse, les menuisiers se contentent de les poser car elles sont produites ailleurs à prix cassés. Mais les jeunes ont envie de fabriquer, d’avoir un vrai métier, de vraies compétences. On parle de société 4.0, mais occupons-nous de la société tout court !
On votera bientôt sur une initiative au sujet du pilotage démocratique de l’aéroport et son contre projet. À Berne, on évoque une taxe sur le kérosène. Vous êtes pour ?
Oui, mais cela ne suffit pas. La moindre des choses, c’est que les coûts du transport aérien soient couverts par ceux qui l’utilisent. La fin du low cost ne se fera pas avec une simple taxe. Il faut aller plus loin. Pourquoi ne pas interdire les vols intérieurs ? Zurich est à trois heures de train seulement, mais c’est la septième destination depuis Cointrin. C’est absurde.
Non. Avec ma femme, je ne l’ai pas pris depuis vingt-cinq ans. On se déplace en train. On regarde le paysage.
Le Conseil fédéral propose un paquet de dépenses de 8 milliards pour la défense aérienne et des avions de combat. Vous le soutenez ?
Mais vous parlez à un ancien objecteur de conscience. Franchement, il y a d’autres priorités. Par exemple une politique active en faveur de la paix.
D’une manière ou d’une autre, vos idées sont partagées à gauche. Vous ne craignez pas de torpiller ses candidats ?
Le PS et les Verts ne s’attaquent pas au libre-échange. C’est pour cela que j’ai quitté les Verts, d’ailleurs. Si on ne stoppe pas l’utilisation des différentiels de richesses entre les pays pour gagner de l’argent, on va continuer à perdre des activités, gaspiller et multiplier les échanges inutiles. Il faut utiliser d’abord les ressources locales, puis importer subsidiairement. Pas importer et jeter ce qui reste.
La Tribune de Genève, Marc Bretton, 10.04.2019